Antigone de Jean Anouilh

Antigone : une pièce de théâtre tragique classique ? Pas si sûr... Analysons un peu cela !


Avant de lire cet article, lire celui sur Oedipe : Antigone en est la seconde fille. Ses deux frères sont morts. Polynice, sur ordre du roi, a été laissé sans sépulture : son âme est donc condamnée à errer . Antigone, transgressant l'interdit du Roi, va ensevelir son frère.

Antigone de Jean Anouilh est une pièce souvent étudiée en classe. Elle relate l'histoire d'Antigone qui va se lever devant le Roi (Créon, son oncle) et mourir pour ses principes.

Le rideau se lève. Nous découvrons la scène : tous les personnages sont réunis, première "bizarrerie" par rapport à la tragédie classique. Le décor est simple : trois portes grises, une table, quelques chaises...

Si les personnages sous-entendent l'Antiquité, le décor, lui, reste intemporel et signale que le thème n'est pas propre à l'Antiquité mais à toutes les époques.

Un des personnages se détache : il s'agit du Prologue. La traditionnelle scène d'exposition est remplacée par ce Prologue, encore un élément qui ne correspond pas à la tragédie classique.
Le Prologue commence à présenter les personnages, précisant ceux qui devront mourir, puis décrit le Tragique par rapport au Drame.

Dès le début, on sait qui va mourir et que toutes les tentatives pour sauver Antigone et les autres sont vouées à l'échec.
Les personnages se retirent, la pièce commence. Antigone tente de rentrer dans la maison silencieusement : ses chaussures sont pleines de boue : elle vient d'enterrer son frère. Elle se fait arrêter par sa nourrice : un "dialogue" commence, la nourrice tente d'être rhétorique mais son argumentation n'est pas ciblée, elle pense qu'Antigone est sortie pour rejoindre un garçon. On peut alors saisir qu'Antigone est une incomprise.

Arrive Ismène, la sœur d'Antigone : elle représente son opposé. Ismène est jolie, Antigone banale, Ismene réfléchit, Antigone agit... Ismene représente la voix de la raison. Un discours encore une fois rhétorique se noue, mais Ismène ignore aussi que l'acte est déjà fait : Antigone a déjà transgressée l'interdit. Ses arguments n'ont pas de sens, elle tente d'empêcher ce qui s'est déjà produit.

Suit une entrevue avec Hémon, le fiancé d'Antigone et fils de Créon, le Roi. Antigone va lui demander de l'oublier, sans poser de question. Cette scène est très forte : elle représente clairement la détermination d'Antigone (presque de la folie !).

L'histoire continue, jusqu'à l'entrevue entre Antigone et Créon. Créon, lui, est au courant des actes d'Antigone. Peut commencer le premier et pratiquement le seul dialogue réel de cette pièce. Créon, lors de cette entrevue va prendre le rôle de l'autorité, il représente la loi des hommes, la cité, le devoir "social". Il désire épargner Antigone mais ne le peut que si celle-ci garde le silence, sinon son devoir de Roi l'oblige à l'exécuter. Antigone représente la loi des dieux (tout homme mort doit être enterré) et pour ce principe elle est prête à mourir, comme tout les héros tragiques. Elle ne se renie pas, elle est fidèle à ses principes.

Dans ce dialogue, Antigone se révèle hautaine avec le Roi, elle le méprise, elle le vouvoie aussi : elle ne le considère pas comme son oncle, elle parle au Roi, pas a Créon. Lui par contre, essaie de lui faire entendre raison. Il parle à Antigone, sa nièce, pas à l'accusée.

Créon tente de responsabiliser Antigone : "c'est facile de dire non, c'est lâche". L'argumentation arrive sur ses responsabilités de Roi. Il a dit "oui", a présent, il doit la faire mourir.

Ils utilisent un langage familier tous les deux, encore une fois preuve que nous ne sommes pas dans une tragédie classique.

Enfin, Créon se décide, condamne Antigone à être emmurée vivante. Peu après, il reçoit la visite d'Hémon, qui devient fou de la nouvelle et sort de scène (fait étonnant : la présence d'un chœur ! Représentation de la conscience de Creon ? )

Le final tragique : un messager annonce à la Reine que Antigone venait d'être emmurée lorsqu'un cri retenti de l'intérieur. Il ouvre le passage et découvre Antigone pendue, Hemon pleurant à ses côtés. Celui-ci se précipite sur son père, tente de l'assassiner, mais échoue et se suicide.

Créon entre sur scène, un messager lui annonce que la Reine, elle aussi, s'est suicidée. Créon a alors cette phrase: "C'est bien, ils dorment tous, c'est bien. La journée a été fatigante."

Il repart seul, comme accablé de la responsabilité qu'il doit pourtant assumer car il a dit "oui".

Ce texte de Jean Anouilh est une pièce, pourtant l'écriture n'est coupée par aucune scène ou acte. D'habitude les pièces classiques sont écrite en vers (des alexandrins), pas dans celle-ci. Cette pièce est donc bien tragique mais absolument pas classique, c'est une pièce moderne.

Pour finir, il faut dire que cette pièce fut écrite en 1944, le "non", la "rébellion" d'Antigone correspond au "NON" des résistants français ou autres d'ailleurs face à l'Allemagne nazie. On peut aussi dire que Créon représente le maréchal Pétain laissé au pouvoir et obligé de maintenir la France comme il peut.

Bien qu'on retrouve les constantes de la Tragédie Classique, cette pièce est loin d'être classique, et se révèle être une pièce moderne.

 
 
~Lecteur~
Publié le : 15/06/2007

 

En cas de conflit avec cet article (problème de droits d'auteur, etc.) vous pouvez en demander la suppression auprès d'un administrateur du site.

Il faut être membre du site afin de pouvoir rajouter une félicitation sur un article.