Histoire de l'émergence des maladies infectieuses

Une maladie émergente ou réémergente, quèsaco ?


Une maladie est dite émergente lorsque l'agent pathogène responsable de celle-ci voit son incidence augmenter après son introduction dans une nouvelle population hôte, et réémergente lorsque cet agent pathogène est en recrudescence dans une population hôte déjà existante, suite à des modifications sur le long terme de son épidémiologie.

A titre d'exemple, et pour éclaircir votre lanterne, le virus du SRAS qui, en 2003, a déclenché l'alerte mondiale des systèmes de surveillance épidémiologique et qui avait entraîné l'immobilisation de bon nombre d'avions est considéré comme responsable d'une maladie émergente car ce virus était jusqu'alors inconnu dans l'histoire des maladies infectieuses.

Transition (presque) toute faite, il apparaît de ce fait intéressant de se pencher un peu sur l'historique de ces maladies qui ont souvent marqué et accompagné des événements majeurs de l'épopée humaine au travers des siècles, voire, parfois, créé les conditions propices à des faits historiques aujourd'hui célèbres. Il est donc temps de redonner à César ce qui lui appartient.

Si on commence par le commencement, depuis l'apparition de l'humanité sur Terre, durant plusieurs millénaires d'évolution culturelle des modes de vie, des sociétés et au cours des différents échanges et interactions entre populations humaines de diverses origines, plusieurs transitions dans l'acquisition et la dissémination des maladies infectieuses peuvent être distinguées. Ces transitions illustrent clairement les relations entre les influences environnementales, sociales et comportementales dans l'émergence et la dispersion de ces maladies.

Ainsi, certaines infections ont été acquises dès la Préhistoire quand nos ancêtres australopithèques quittèrent les habitats arborés pour la savane, ce qui les exposa à de nouvelles espèces de moustiques et de tiques comme vecteurs de pathogènes. Après l'apparition d'Homo sapiens, la migration des chasseurs-cueilleurs au Néolithique (il y a 50 000 à 100 000 ans) hors d'Afrique les mit en contact avec de nouveaux pathogènes inconnus dans des régions lointaines.

En fait, on considère plutôt que la première transition a eu lieu avec l'avènement de l'agriculture il y a environ 10 000 ans et le développement de sociétés agricoles où les populations devinrent plus grandes et denses. La domestication du bétail et l'attractivité que représentaient les installations humaines pour d'autres animaux (rongeurs, chiens, insectes...), du fait notamment de la disponibilité en nourriture, procura des opportunités aux pathogènes de passer d'une espèce à l'autre. C'est ainsi que la rougeole émergea il y a environ 7000 ans probablement à partir du virus Rinderpest infectant le bétail et divergea pour devenir une infection exclusivement humaine lorsque la taille et la densité des populations devint suffisamment importante pour maintenir le virus en absence du réservoir animal. De la même manière, la variole devint épidémique il y a 4000 ans, probablement évoluant à partir d'un virus infectant le chameau, du fait de sa proximité phylogénétique avec celui de la variole.

La deuxième transition se situe au moment où les différentes civilisations eurasiennes entrèrent en contact à la fois pour le commerce et les différentes guerres, il y a environ 1500 à 3000 ans. De nombreux pathogènes furent alors " échangés " ainsi que leurs vecteurs tels que les rats ou les mouches. Lors de la guerre du Péloponnèse à Athènes en 530, de nombreux cas de typhus furent reportés, maladie souvent associée aux guerres et aux privations. La peste ravagea aussi la ville de ,Constantinople, capitale de l'Empire romain d'Orient en 542 et elle toucha tout le bassin méditerranéen (elle atteint Rome en 589). Cette véritable pandémie (qui se propagea jusqu'en Chine et en Angleterre !) fut appelée un peu plus tard la " peste de Justinien " du nom de l'empereur de l'époque, et de nombreux écrits relatent cette épisode extrêmement dur, certains évoquant l'ampleur de l'épidémie à 100 millions de morts.

C'est au XVème siècle que débuta la troisième transition épidémiologique. A l'époque des conquêtes européennes sur de nouveaux continents, les conquistadors européens amenèrent avec eux des pathogènes nouveaux pour les populations indigènes. Des populations entières, comme les Indiens d'Amérique du sud, furent décimées par des germes comme ceux de la variole ou de la rougeole, aidant de ce fait de manière considérable la victoire des conquistadors. De même, les aborigènes développèrent des maladies jusqu'alors inconnues sur leur territoire après l'arrivée des Européens en Australie, constatation qui n'échappa pas d'ailleurs à l'observateur perspicace qu'était Darwin. Il écrivit notamment ces mots : "C'est un fait, qui ne peut être controversé, que la plupart des maladies qui ont sévi sur l'île depuis que je suis ici, ont été introduites par les navires; et ce qui rend ce fait remarquable est qu'il n'y avait pas d'apparente incidence de la maladie sur l'équipage des navires qui transportaient ces fléaux..."

Aujourd'hui, l'humanité est en train de vivre la quatrième transition épidémiologique. L'apparition de nouvelles maladies infectieuses bactériennes, virales et parasitaires et la recrudescence d'anciennes pathologies qui avaient diminué en prévalence reflètent les changements profonds en termes de démographie, d'environnement, d'organisation sociale, de technologies et de tout autre élément de l'écologie humaine. On ne détaillera pas ce qui représenterait des pages de texte mais dans les facteurs d'émergences actuels, les scientifiques montrent en particulier du doigt les modifications écologiques du paysage par l'homme (déforestation, urbanisation...), le réchauffement climatique, auquel les activités humaines ne sont pas étrangères et les progrès de la médecine (les abus d'antibiotiques...).

 
 
~Utopie~
Publié le : 24/04/2007

 

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