Comment est-on passé d'une religion polythéiste...

.... à une religion monothéiste.


On pourrait croire que le judaïsme est apparu dès le départ comme une religion monothéiste. Or, ce n'est pas le cas. En effet, cette religion a évolué sur une très longue période, tout comme les autres religions de la même aire géographique. Nous allons voir comment le judaïsme a suivi cette évolution et réussi ce changement .

1. Théologie de la Révélation

Petit rappel :
La Torah, puis les prophètes (pour la rappeler), et enfin les Ecrits (pour l'édifier pour la piété personnelle), parlent de l'histoire sainte. Cette histoire sainte raconte sa propre constitution.
Selon cette histoire, comment les hommes ont-ils connu Dieu ?

  • Adam : contact immédiat direct dans le jardin (ne se reproduit plus depuis l'expulsion) ;
  • Abraham : appelé, reçoit un pays polythéiste, et la promesse d'un peuple et d'une terre ;
  • Moïse : reçoit la révélation et ensuite la Loi -> c'est le début du monothéisme, on s'engage dans l'alliance. C'est un grand moment de félicité : (" les fiançailles "). Installation dans Canaan : moment de tous les dangers, beaucoup de mises en garde, contact avec les populations sédentaires de Canaan qui conduit aux infidélités (sacrifices, encens, autels, arbres sacrés, chevaux consacrés ...) -> mélange avec la population locale. La sanction est l'exil à Babylone, puis le retour d'une petite partie qui se considère comme purifiée, yahviste, et pense à une reconstruction, avec un nouveau regard.

2. Une réalité historique très différente

La tradition veut que les écrits les plus anciens de la Torah soient les premiers (Genèse, ...), mais il n'en est rien : les parties les plus anciennes sont les écrits des prophètes qui datent du VIIIè siècle avant notre ère. En effet, les prophètes ont été les véritables agents de la réforme monothéiste, tandis que la Torah est la réflexion des prêtres d'après l'Exil.

La religion première en Israël (de l'époque de David) est comparable à la religion des Etats voisins, mais elle sort petit à petit du pluralisme religieux. Cela se voit dans la manière de désigner Dieu : El -> Eloa -> Elohim ->......Allah. El est en effet le Dieu suprême du panthéon cananéen. Il est très connu et on le retrouve beaucoup dans les écrits d'Ugarit. Au dessus de El, il y a Ililou (Dieu le père). La perception de cette divinité est très englobante, on l'associe à l'identité de classe et au culte des ancêtres.

Dans cette religion polythéiste, El est donc le dieu le plus important pour ces tribus. C'est ainsi que peu à peu les tribus finissent par observer une forme de monolâtrie (culte rendue à une divinité qui n'est pas unique : on ne nie pas qu'il y ait d'autres Dieux mais on se concentre sur une seule, souvent parce qu'elle est la divinité fondatrice ou protectrice du clan...).

Lors de la mise en place de la royauté, on adopte une idéologie royale qui est commune à l'ensemble des monarchies royales du Proche Orient : le roi est quasi divin et choisi par Dieu (dans ce cas, il s'agit d'El). Ill reçoit l'onction, et de par sa relation privilégiée avec Dieu, fait alliance avec Lui. De même, on retrouve le mythe du combat originel de Dieu contre le Chaos dans toutes les religions du Proche Orient (Marduk contre Tiantu en Mésopotamie, Assur contre Tiantu en Assyrie, Baal contre Yamu en Ugarit, Yahvé contre le Léviathan chez les Hébreux) : c'est le même mythe du Dieu victorieux et de sa victoire d'où découle l'ordre du cosmos (et donc la hiérarchie politique).

Jusqu'ici, les ancêtres du peuple hébreu ont suivi une évolution religieuse similaire à d'autres religions du Proche Orient mais à partir de là, l'évolution s'engage dans une autre direction. Sous l'influence de certains milieux prophétiques, se développe une monolâtrie d'Etat (parfois acceptée, parfois défendue par la monarchie) : le courant Yahvé seul. Ce courant va lutter du -Xè siècle jusqu'au -VIIIè siècle et va gagner. La réforme de Josias est le point culminant du combat et de la victoire de Yahvé seul.

C'est cette victoire qui voit la naissance du monothéisme.

Désormais, Yahvé est le seul dieu, les autres disparaissent en se fondant dans le seul Dieu. Cette nouvelle vision va bien sûr provoquer la méfiance des autres peuples. Cela a dû avoir pour conséquence une inimitié grandissante envers eux, et de nombreuses guerres pour tenter de les éliminer - sans succès, comme on peut le constater. Ce point est la deuxième originalité, car le peuple hébreu, porteur d'un si grand changement, a réussi à survivre alors que de nombreuses autres religions ont disparu.

Après la destruction de Babylone, c'est la période de l'Exil. C'est une période très fructueuse pour la rédaction des textes. Les juifs vivent en communautés et repeuplent des territoires désertés, ce qui a pour conséquence un resserrement autour des valeurs et du monothéisme. C'est également le début d'une forme de réflexion sur un culte non sacrificiel, car il n'est possible que dans le Temple et celui-ci a été détruit : c'est la troisième originalité. Pour la première fois au Proche Orient, une religion évolue pour ne plus pratiquer le sacrifice. De même, c'est le début du pèlerinage dans les ruines et des lamentations, rédaction du Livre des Lamentations de Jérémie. Les prophètes de l'Exil sont : Ezechiel, Esaïs, Zacharie, Malachie, ...

Il reste encore une énigme à résoudre : l'archéologie a exhumé quelques inscriptions où se trouve, à côté du nom de Yahvé le nom d'une déesse : Asherah (objet sacré féminin ou déesse, ou sanctuaire, le sens, sa fonction sont encore incertains).

Il y a une grande discussion à ce sujet, car Asherah est connue dans la Bible et désigne un objet cultuel en bois, disposé dans un sanctuaire cananéen à côté des stèles. Mais il peut aussi désigner le sanctuaire. Est-ce que Asherah était au départ une déesse, l'égale et la compagne de Elohim, et qu'elle a été peu à peu assimilée au culte même pour devenir un symbole de Dieu ? Ou était-ce dès le départ un objet de culte ? La question reste sans réponse...


Sources :
Cours de M. Husser , professeur d'histoire des religions à l'université de Strasbourg sur le christianisme
BOTTERO, Jean, Naissance de Dieu. La Bible et l’historien, Paris, Gallimard, 1986.
BOTTERO, Jean, Au commencement étaient les dieux, Paris, 2004.

 
 
~jamesB~ Publié le : 22/08/2006

 

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