La régulation instinctive de la population

Nous en avons conscience depuis quelques années déjà, (et ce majoritairement "grâce" à l’intervention dévastatrice de l’homme dans l’écosystème) la sélection naturelle et l’équilibre écologique de la chaîne alimentaire ne sont pas seuls maîtres de la régulation des populations au sein des espèces.


Il existe en effet des processus limitants pouvant être qualifiés d’instinctifs, qui, bien qu’à nos jours encore largement incompris, n’en demeurent pas moins facilement observables. Chez les Lemmings par exemple, lorsque la population atteint un certain stade critique (mettant en péril la répartition des ressources nutritives), l’ensemble de la peuplade prend la route de l’océan. En chemin, un tri s’effectue : une partie des rongeurs retourne aux terriers, l’autre continue son voyage jusqu’à la mer. L’ensemble se jette alors à l’eau, et tous se noient sans exception. Élément troublant, les animaux ne semblent opposer aucune résistance à leur trépas, se laissant tout bonnement couler jusqu’à l’asphyxie.
Tout se passe comme si un instinct enfoui au fond de chaque individu était programmé pour s’exprimer une fois que la population aurait dépassé un certain degré de densité, ou que la sensation de faim, trop présente, ait activé un déclencheur comportemental commun. Cela évite que la masse entière ne soit condamnée à mourir d’inanition, permettant ainsi la perduration de l’espèce.


D’un point de vue plus fondamental, un phénomène similaire existe au niveau cellulaire, permettant la destruction des individus à tendance cancérigène. Une cellule au développement désordonné se suicide selon un mécanisme physico-chimique, à moins qu’elle n’ait annihilée par mutation successive plusieurs gènes auto-régulant. C’est alors et seulement que le cancer peut se déclarer.

Il n’est dès lors pas impensable que l’homme dispose également en son fort intérieur d’un tel mécanisme de régulation, bien qu’inconscient. Mais dans ce cas, de quelle façon peut-il s’exprimer ?

La population mondiale n’a jamais été aussi dense qu’aujourd’hui, la plupart des ressources naturelles sont taries (pétrole), et il n’est pas aberrant d’imaginer qu’il en sera de même pour la nourriture ou l’eau dans un avenir proche, surtout au regard de la consommation abusive des pays occidentaux (qui s’accaparent 80% des richesses mondiales) et très récemment de la Chine.
Si instinct de régulation il y a, on ne peut que l’admettre, il devrait donc à ce jour être déjà en activité.
Le monde est actuellement au bord du chaos : les guerres multiples (que ce soient de religion, liées à l’appropriation de territoires, ou autres) l’ascension incontrôlable du terrorisme, les inégalités sociales croissantes avec la toute puissance de l’économie de marché, et plus que tout, l’équipement toujours plus gargantuesque en arsenal nucléaire, de quoi éradiquer plusieurs dizaines de fois toutes formes de vie sur Terre.

Pourquoi diable continuer la prolifération de ces armes à destruction massive (des dizaines de milliers d’ogives, au rayon d’action toujours plus efficace) ? La dissuasion nucléaire est une chose, l’augmentation obsessionnelle des stocks en est une autre, et repousse les limites de l’absurdité. La grande peur internationale engendrée par les événements dramatiques de Nagasaki et d’Hiroshima a certes dissuadé les nations à se servir de la bombe A, mais pas à la perfectionner (bombe H) ni à la produire en série.

Devant un tel phénomène, échappant à toute logique élémentaire, il est alors légitime de s’interroger si l’humanité est encore en pleine possession de son libre arbitre. Pourrait-il s’agir de l’expression de ce fameux "gène" d’autorégulation ?


S’il en est, il existe néanmoins une force capable d’entraver cet instinct : l’empathie. La capacité de se mettre à la place d’un semblable, de partager ses émotions, interdit évidemment son élimination. Il semble bien que la nature l’ait assimilé d’ailleurs, et qu’elle use de stratagèmes pour contourner cet obstacle. Le racisme en est un exemple criant. Quelle est son origine ? La peur de l’étranger, l’incompréhension résultant de ses divergences culturelles ou sexuelles ? Que nenni, ou du moins, il ne s’agit que d’une part infime de la vérité. Car dans ce cas, comment expliquer l’émergence d’actes racistes au sein d’une même caste, "justifiés" par des critères creux et isolés ? (La couleur de peau, le groupement sanguin, voire la préférence de telle ou telle équipe sportive...)

Voyons la réalité en face : le racisme, sous toutes ses formes, n’est rien de plus qu’un prétexte pour mépriser son prochain, sentiment permettant d’acquitter notre soif de violence, puisque dévaluant autrui au rang de "sous-homme".
L’orientation groupée de ces pulsions agressives ou meurtrière (un bouc émissaire, un ennemi commun comme les Bolcheviks) permet néanmoins à la vie associative de perdurer, essentielle à l’homme.

Cette logique permet également de comprendre l’échec de certaines utopies, telle le communisme : l’instinct primaire de régulation est restreint dans ces conditions, les individus trop semblables autant sur le plan matériel qu’intellectuel sont moins enclins à la barbarie, puisque plus empathiques.
L’idéologie capitaliste est au contraire toute puissante, car elle est créatrice de fortes inégalités sociales, terrain favorable à la contagion de sentiments de haine et de mépris.

En ce sens, en métaphorisant le raisonnement, il serait presque possible de "personnaliser" cet instinct, en le dotant d’une certaine intelligence, car profitant de toutes les opportunités pour s’exprimer, jusqu’à s’insinuer dans les moindres interstices de la machine humaine.

Prenons une autre image : les multinationales, telle Monsanto. Qu’est-ce qui motive le cannibalisme expansionniste de cette firme au "gigantisme" déjà largement inégalé ? (Qui a, pour mémoire, détruit maints systèmes d’agricultures traditionnelles permettant la subsistance et l’indépendance de quantité de populations, ou pollué, par la dissémination incontrôlée d’organismes génétiquement modifiés, une importante diversité de cultures parfois ancestrales, et ne parlons pas de la catastrophe de contamination en dioxine). L’argent ?? Le résultat de ses bénéfices annuels est tel qu’il n’est déjà plus appréhendable pour le citoyen moyen. Alors, quoi ?

En y regardant de plus près, l’expansionnisme obsessionnel de ce type d’entreprise n’est pas tellement différent des absurdes campagnes de conquête d’antan, celles de Gengis Khan par exemple. A l’époque, l’expression inconsciente de l’instinct de régulation était secondée par le désir d’accaparement du butin et des technologies des nations étrangères, mais il n’en va plus ainsi aujourd’hui.

Dans cet exemple, on observe de quelle façon la réaction préprogrammée à la densité excessive de population peut forger les civilisations. Ce n’est donc pas pour s’alarmer sur la faiblesse de la volonté humaine qu’il convient de prendre conscience de la puissance destructrice de cet instinct, mais plutôt pour replacer les grands phénomènes de société dans leur véritable contexte, car ce n’est que par la compréhension de notre nature profonde que nous parviendrons à limiter son influence perverse.

 
 
~ryuuzaki~
Publié le : 27/05/2010

 

En cas de conflit avec cet article (problème de droits d'auteur, etc.) vous pouvez en demander la suppression auprès d'un administrateur du site.

Il faut être membre du site afin de pouvoir rajouter une félicitation sur un article.