Prohibition

De 1919 à 1933, l'interdiction ABSOLUE de l'alcool aux Etats-Unis.


A la fin du XIX° et au début du XX° siècle, un mouvement naît aux Etats-Unis. Ce groupe, qui se nomme : " Mouvement pour la Tempérance ", vise à diminuer au maximum les prises d'alcool, de tabac, et de drogues en général, par la population. Ses actions sont sensibles à travers tout le pays dès 1900. Trois Etats interdisent l'alcool en 1905. En 1912, ils sont 12. En 1916, 26 des 48 Etats ont interdit la production, la consommation, la vente et la détention d'alcool. L'éthanol commence à se faire rare en Amérique du Nord. Le 16 Janvier 1919, est ratifié le 18° amendement de la constitution américaine, qui enclenche la prohibition ; et le 28 octobre 1919 est mis en place le " Volstead act ", qui rend encore plus sévères les lois contre l'alcool, en étendant leur application aux bars et restaurants.
Le but de base est louable : il s'agit de lutter contre les ravages de cette drogue qui, même si elle est loin d'être nouvelle, a subi un gain d'intérêt soudain auprès du peuple. En effet, on constate trop de violences conjugales de la part d'hommes saouls, ou d'ivrognes partant gaiement pour l'usine, provoquant une baisse de la rentabilité...
On considère que ces lois sont appliquées rigoureusement à partir de Janvier 1920. Ainsi commence la Prohibition.

Certes, au début, les violences conjugales ont tendance à disparaître. Des accidents de travail " stupides " sont évités. Les gens sont sobres.
MAIS...
Interdire l'alcool fut une bourde incroyable. Les raisons sont nombreuses... La première est toute logique : il y a une différence entre la bière de mauvaise qualité que le pilier de bar engouffre par litres, et le cognac raffiné que le noble goûte avec modération... Aussi un grand nombre de politiques et de célébrités, qui pensaient que boire un demi verre de whisky serait toléré, partent en prison pour avoir gardé ces alcools de luxe...
La population n'a plus confiance envers ces gens qui leur retirent un plaisir dont eux profitent encore.
Et ce cadre triste est parfait pour l'implantation de la mafia. Interdire l'alcool... Quelle chance pour les mafieux, qui se livraient à du trafic d'armes et de drogues dures, et qui vont maintenant se pencher sur quelque chose d'aussi facile à trouver et si peu cher que l'alcool...
Cette période de grand banditisme, de crime organisé, de " Syndicat " du crime, est maintenant devenue l'illustration parfaite du banditisme.
Il faut dire que c'est à cette époque que l'on voit apparaître Al Capone. Cette légende vivante tenait Chicago et ses environs d'une main de fer, et les histoires à son sujet ne sont pas exagérées (30 millions de dollars par an étaient utilisés pour corrompre les autorités). Capone est LA figure emblématique, mais des hommes similaires occupaient toute l'Amérique, presque autant que les élus.
C'est aussi un temps où les valeurs ont la peau dure, pour ceux qui y croient encore. Eliot Ness et ses Incorruptibles sont les figures de proue de cette vérité: la légalité, la fidélité, le refus du pot de vin et la lutte contre la corruption. Mine de rien, ces valeurs-là étaient ancrées dans l'utopie qu'imaginait le peuple à la place de ces mafieux...

Autres effets largement négatifs de la prohibition :
lorsqu'elle s'est arrêtée, les Américains ont dû se remettre à produire de l'alcool. Problème : aucun équipement, aucune petite brasserie n'avait survécu, donc aucun savoir-faire... et les bières industrielles étaient fades et inertes. Il faut attendre 1980 (selon les connaisseurs) pour que la bière américaine retrouve un goût correct.
Pendant cette période, les réseaux mafieux concernant l'alcool (achat, distribution, vente et consommation) se sont incroyablement musclés et ont monopolisé des milliers de petits " gangs ".Une fois la prohibition finie, ceux-ci se sont tournés vers l'activité qui ressemblait le plus à celle qu'ils venaient de quitter, à savoir le trafic de drogues. Et on ne parle plus d'alcool, mais de cannabis, d'opium, de cocaïne, d'héroïne, etc. En un sens, la prohibition de l'alcool aura donné naissance à un réseau de trafic de drogues dures très organisé et excessivement bien rodé.
Enfin, elle a eu un certain impact écologique. Auparavant (début 1900), le carburant pour les moyens de transports et les machines agricoles était l'éthanol. Aussi les cultivateurs avaient-ils des alambics afin de produire leur carburant à moindres frais. Alambics qui ont tous été détruits dès 1920. Ils ont donc dû se tourner vers une autre ressource :... le pétrole. Qui sait ? Peut-être le développement de l'éthanol comme carburant aurait-il compensé celui du pétrole à notre ère ?

Toujours est-il que le 17 Février 1933, le " Blaine act " prend la place du " Volstead act ", et permet la vente de bières à faible taux d'alcool (3.2%). Le XXI° amendement à la constitution est ratifié le 5 Décembre 1933, et met fin à la Prohibition, en laissant chaque Etat libre de décider de son statut. Ainsi, la plupart des Etats accueillent le retour de l'alcool sans problème, bien que certains irréductibles résistent encore et toujours, comme l'Oklahoma, le Kansas et le Mississipi, Etat qui sera le dernier à accepter l'alcool, en 1966.

Interdire l'alcool purement et simplement fut une grosse erreur. Cela a causé l'organisation de réseaux clandestins aujourd'hui encore très influents. Et lorsqu'elle s'est arrêtée, l'attitude de la population à l'égard de la boisson n'avait pas changé.
Ce n'est pas en interdisant soudainement, du jour au lendemain, que l'on peut lutter contre quoique ce soit. La Prohibition en est la preuve historique.

 
 
~Donitab~ Publié le : 07/07/2006