Niam-Niam d’Afrique Centrale

Quand les "Savants" décrivaient des "hommes à queue", ou les égarements de la Science !


Au début du XIXè siècle, un débat passionnait l'Académie des sciences (et autres sociétés savantes) : les Niam-Niam d'Afrique Centrale ont-ils pour particularité d'avoir un coccyx prodigieusement développé, autrement dit de posséder un appendice caudal long, plus prosaïquement appelée queue ?
L'idée était ancienne qu'une espèce humaine existait, nantie d'une queue, velue ou non, dont la longueur variait, selon les voyageurs et les témoins de 4 à 40 cm. D'un point de vue anatomique, cela eût supposé que ces fameux " Niam-Niam " eussent été dotés de quelques vertèbres supplémentaires.
Les voyageurs avaient de tous temps rapporté la présence d'hommes à queue, essentiellement en Extrême Orient (Ceylan, Sumatra, Japon, Bornéo etc.), mais jamais en Afrique.
Dans l'Antiquité, on trouve des récits de voyageurs qui ont vu de leurs yeux vu, ou tiennent de sources sûres cet étrange phénomène qu'était l'homme à queue : Strabon, Pline, Diodore, Ptolémée et d'autres sont formels...
Par la suite, Marco Paulo au XVIè siècle prétendra lui aussi avoir rencontré de ces hommes, au royaume de Lambry. Au XVIIè et au XVIIIè siècles encore, d'autres entretiendront la légende.

Dans son " Essai sur les générations chez les animaux " en 1651, le médecin William Harvey (à qui l'on doit la première description complète de la circulation sanguine) écrivait ces lignes :

" Un chirurgien, homme de probité et mon ami particulier, m'a raconté de bonne foi, après son retour des Indes Orientales, qu'en l'Ile de Bornéo, dans les lieux les plus éloignés de la mer et montueux, il y naît aujourd'hui un certain genre d'hommes à queue (...) desquels il vit une fille (...) laquelle avait une queue charnue de la longueur d'un pied, réfléchie entre les fesses et qui lui couvrait l'anus et les parties honteuses, tant la nature a eu soin que ces parties fussent couvertes ".

Ce témoignage est typique de ces temps où on prenait pour argent comptant, et où on répétait avec le plus grand sérieux, fût-on un " savant ", les propos non vérifiés de quiconque rapportait une histoire intéressante, non seulement stupéfiante, mais telle qu'elle laissait à penser qu'il y avait dans des pays lointaines des espèces d'hommes inférieurs, proches des animaux par leur aspect physique et donc, implicitement, inférieurs par leur intelligence.

Les " Niam-Niam " marquent la consécration des hommes à queue ! Ils font leur apparition au XIXè siècle en Afrique.
C'était une supposée tribu d'Afrique centrale, supposée vivre en pays Zandé au coeur de l'Afrique (fort mal connue à l'époque). " Niam-Niam " était le sobriquet qu'on appliquait à cette supposée tribu qui non seulement était supposée anthropophage mais était aussi dotée d'une queue ! Les Niam-Niam étaient en conséquence " cruels et sauvages " comme des bêtes.
Les véritables populations Zandé ne se laissaient pas réduire en esclavage et refusaient de céder leur ivoire sans solide contrepartie, ce qui les rendait suspects aux yeux des marchands d'esclaves, et permettait de propager des histoires abominables à leur sujet.
Le premier sans doute à évoquer les Niam-Niam fut un nommé Couret qui parcourut le monde entre 1832 et 1847. Il entendit parler d'eux et de leur queue par des marchands d'esclaves, et déclara ensuite avoir vu de ses propres yeux un esclave doté d'une queue à la Mecque. En 1849 il fut même chargé de mission par le Département de l'Instruction Publique et des Cultes pour aller au Soudan y chercher d'autres confirmations à ses dires.

En 1851, à la Société de Géographie, un " savant " du nom d'Abadie déclara qu'un Abyssin, " homme instruit et digne de foi, avait vu une quinzaine d'hommes à queue qui se rendaient régulièrement à la foire de Berberah, près d'Aden. Il en a donné une description. " Ces hommes à queue, dit-il n'étaient pas nommément de la " mystérieuse tribu des Gnamgnam " ; mais il avait reçu l'assurance qu'une jeune esclave gnam-gnam avait mangé un nourrisson." (L'orthographe du mot Niam-Niam est comme on le voit, fluctuante)
Et les témoignages d'hommes hautement indiscutables se multiplient, comme celui d'un docteur Hübsch qui paraît en 1854 dans la Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, témoignant avoir rencontré à Constantinople une " négresse à queue et un homme ", tous deux malades qu'il a soignés pour la plus grande satisfaction de leur maître !
En 1862 on lit dans le Bulletin de la Société d'Anthropologie ces lignes d'un rapport du marquis d'Antinori :

" (...) Le fait est très connu par les marchands d'esclaves turcs et arabes qui ne veulent pas de ces Niam-Niam à queue et surtout pas des femmes qui mangent les enfants "

Restons-en là car les " témoignages " de cette eau sont légion !
On sait que les mythes ne sont pas gratuits, ils ont tous des fonctions. Celui des " hommes à queue " a permis d'alimenter un racisme qui ne disait pas son nom, en entretenant l'idée d'une échelle des races allant de la belle " race blanche supérieure " à celle, très inférieure, des " hommes à queue proches de l'animal " (et noire ), et subsidiairement de justifier l'esclavage.
Avec la caution d'éminents scientifiques, dont, eu égard à leur mémoire, je ne donnerai pas les noms !

Pas simple, la Science !

 
 
~Deborah Bernard~
Publié le : 07/05/2006

 

En cas de conflit avec cet article (problème de droits d'auteur, etc.) vous pouvez en demander la suppression auprès d'un administrateur du site.

Il faut être membre du site afin de pouvoir rajouter un complément d'information sur un article.