Affaire Dreyfus

L'affaire Dreyfus a été l'un des plus gros scandales de la France de la fin du XIXème siècle.


L'affaire Dreyfus commence en septembre 1894. Alfred Dreyfus est capitaine dans l'armée française, mais il est aussi juif et d'origine alsacienne (l'Alsace appartenait à l'Allemagne depuis 1870).

Lorsqu'on découvre des documents confidentiels à propos d'un traité franco-russe destinés à l'ambassade d'Allemange, une enquête sommaire le déclare coupable de haute trahison et le Conseil de guerre le condamne à la déportation à vie au bagne de Cayenne. Au début, peu de personnes s'intéressent à cette histoire et la culpabilité de Dreyfus n'est pas contestée. Cette culpabilité sert la cause de la droite nationaliste et surtout les idées antisémites, notamment celles d'Edouard Drumont, directeur de la Ligue antisémitique. Drumont essaye d'étendre l'idéal nationaliste et xénophobe dans l'opinion des français. Les seuls à croire en l'innocence de Dreyfus sont les membres de sa famille et principalement son frère, Matthieu. Grâce à l'aide du journaliste Bernard Lazare, Matthieu veut innocenter son frère. D'abord, ils publient des articles dans les journaux L'Eclair et Le Matin, où ils mettent en doute les preuves fournies lors du procès, puis ils publient une brochure favorable à l'accusé ayant pour but d'attirer l'attention du public sur cette affaire. Enfin, ils reçoivent l'aide du colonel Georges Picquart, chef du service des renseigments, qui mène sa propre enquête et découvre l'identité du véritable coupable, le commandant Esterhazy. Pourtant, les autorités militaires refusent de réouvrir le procès. Pendant presque un an, Matthieu Dreyfus va essayer de faire libérer son frère sans succès. Il revèle donc l'indentité du coupable dans le journal Le Figaro. Pour éviter une révision du procès, les autorités militaires font quand même passer Esterhazy devant le Conseil de guerre, mais le commandant est acquitté. Le colonnel Picquart est quant à lui muté dans le sud de la Tunisie, puis mis aux arrêts et réformé.

Le gouvernement tente de laisser l'affaire s'éteindre, mais c'est à ce moment là qu'Emile Zola publie "J'accuse", le 13 janvier 1898, dans le journal L'Aurore dirigé par Georges Clemenceau (quatre ans après la condamnation de Dreyfus). Sous forme de lettre ouverte au président de la République, il réussit à alerter l'opinion publique. Dans sa lettre, l'écrivain dénonce le bafouement de la justice par l'armée et certains hommes politiques. Cet article vaut à Zola un an de prison pour diffamation. Mais grâce à cette intervention, l'affaire Dreyfus a pris une nouvelle envergure et se place au centre de l'attention de l'opinion publique. Elle devient un enjeu majeur entre la droite et la gauche politique.

A partir de ce moment, l'opinion publique se divise en deux camps. Les dreyfusards d'un côté, favorables à une révision du procès, majoritairement de gauche et antimilitaristes, ils sont soutenus par des journaux tels que L'Aurore, La Petite République ou Le Figaro. C'est grâce à ce mouvement que sera fondée en juin 1898 la Ligue des droits de l'homme. De l'autre côté, on retrouve les antidreyfusards, c'est à dire la majorité du clergé et de l'armée et les principaux leaders du nationalisme et de l'antisémitisme, ils créent des organisations comme la Ligue des patriotes, la Ligue antisémitique, la Ligue de la patrie française ou l'Action française. Les antidreyfusards refusent le retour en arrière au nom de l'honneur de l'armée et de la patrie. Ils sont soutenus par des journaux comme L'Autorité, La Croix ou Le Gaulois ainsi que par des publications d'extrême droite comme La Libre Parole ou L'Antijuif.

Petit à petit, l'opinion générale penche en faveur de Dreyfus. Le gouvernement est incapable de résoudre la crise. On découvre bientôt de faux documents contre Alfred Dreyfus écrits par le colonel Henry qui finit par se suicider, ce qui ne fait qu'alimenter la controverse. A la mort de Félix Faure, c'est Emile Loubet qui devient président, mais il est fortement critiqué notamment à cause du scandale de Panama survenu quelques années plus tôt. De violentes manifestations ont lieu mais le gouvernement réussit à rétablir le calme.

Finalement, un nouveau procès contre Dreyfus a lieu à Rennes le 3 juin 1899. Pour éviter de nouveaux troubles, il est condamné à "seulement" dix ans de prison, mais il sera gracié dix jours plus tard par le président Emile Loubet. Alfred Dreyfus ne sera reconnu innocent qu'en 1906. Il sera alors reintégré dans l'armée avec le grade de commandant et recevra la Légion d'honneur.

 
 
~Ender~
Publié le : 31/10/2005

 

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Juste un aperçu - mais que je crois important - de ce qui s'est dit au Colloque du Centenaire de la réhabilitaiton de Dreyfus à la Cour de Cassation.

En France, la Cour de Cassation est le tribunal suprême, chargé de veiller au respect de la loi: il peut casser, en dernier ressort, les décisions qui lui sont déférées, renvoyant l'affaire devant un tribunal de même ordre et de même rang que celui dont la décision a été cassée. La Cour n'examine que les points de DROIT et non pas les faits. Créée en 1804, elle siège à Paris et comprend trois chambres: commerciale, sociale et criminelle, dit le dictionnaire Hachette.

A coup sûr, Il revenait à la " Cour de Cass ' " de commémorer le centenaire de la réhabilitation du Capitaine Dreyfus, accusé fallacieusement d'avoir trahi la France en une période fiévreuse, on doit en avoir conscience, où la France et l'Allemagne, perpétuellement ennemies, se préparaient en permanence à la guerre, et où en conséquence, l'espionnage battait son plein.

Bruno Cotte, l'actuel président de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, a rappelé pourquoi l'Affaire reste toujours vivante et toujours d'actualité.

Nous n'imaginons pas, aujourd'hui, la violence des attaques dont, non seulement les Dreyfusards, mais la Cour de Cassation - qui n'est pas là pour prendre parti mais pour juger - furent l'objet.

Et Bruno Cotte de citer : " Pour les uns, elle était, il est vrai, un "sanctuaire" mais celui de la "trahison", voire "L'antre de Judas" ou encore "Un amalgame de la Bourse et du lupanar". Pour d'autres, les magistrats la composant n'étaient que des "Stipendiaires de l'Allemagne", des "Malandrins en hermine", des "Valets de synagogue". Le président Loew, le procureur général Manau et le conseiller rapporteur Bard étaient un "trio de coquins" et Rochefort (Henri Rochefort, directeur du journal " l'Intransigeant ") parlait de "l'indignité des filles de brasserie de la Cour de cassation". Allant encore plus loin, "La Libre parole" (le journal d'Edouard Drumont, qui fut aussi le fondateur de " La ligue antisémitique de France ") publiait même les adresses des conseillers avec cette interrogation, fielleuse et menaçante, "quelles précieuses vies s'abritent à ces adresses mystérieuses?" (...)

Parmi les autres (journaux) certains, tel "L'Autorité", publieront, sous la plume de Granier de Cassagnac, des articles particulièrement amènes; "je sais bien", écrivait-il, "le 27 septembre 1898, que... la Cour de cassation prononcera en dernier ressort. Mais c'est l'antre de la juiverie et de l'internationalisme que cette cour de cassation, dont l'infect Procureur Général Manau tient le comptoir. Et, à moins d'un retour de conscience chez ces vieillards oblitérés, nous sommes en route pour de nouvelles et incalculables ignominies".
Quant à Rochefort, ce même 27 septembre 1898, il posait en principe qu'un juge "ça s'achète comme une paire de bretelles" et il traitait la Cour de cassation de "vieille traînée".

Au sein même de la Cour, la bataille faisait rage. Ainsi le président de la chambre civile, Quesnay de Beaurepaire, réclamait une enquête sur le comportement de ses "collègues" de la chambre criminelle, coupables, selon lui, de complaisance à l'égard du colonel Picquart et des avocats d'Alfred Dreyfus (...).

Puis, M. Bruno Cotte a cité Robert Badinter, garde des Sceaux, qui, le 12 octobre 1981, posait la question de savoir si l'affaire Dreyfus était close. Et de répondre : " Non, elle ne le fut pas. Elle n'a cessé de se poursuivre chaque fois que renaît en France la vieille propension à abandonner le droit au pouvoir, la justice à la politique, la vérité à la raison d'Etat ; alors, l'affaire Dreyfus est réouverte. Chaque fois que les haines raciales, religieuses, nationales emportent condamnation ou persécution, l'affaire Dreyfus est réouverte... "
Et M. Canivet de souligner que la justice reste toujours en danger. Danger de déstabilisation des juges, de pression sur eux, danger de voir apparaître des juridictions d'exception. En soulignant le rôle exemplaire que joua la Cour de Cassation quand, le 12 juillet 1906, elle rendit son arrêt réhabilitant Dreyfus, qui depuis douze ans n'avait cessé de clamer son innocence, et avait passé cinq années au bagne de Cayenne, dans des conditions abominables.

Frappants aussi, les propos de Guy Canivet, premier président de la Cour de Cassation. Il souligna qu'il fallut douze ans, douze ans de la vie d'un innocent, pour faire advenir la reconnaissance de cette innocence et dit ceci :
" La Cour de Cassation opposa l'Etat de droit à la raison d'Etat, résista aux pressions politiques, aux manoeuvres de déstabilisation, au déchaînement de la presse, à la violence des foules, au délire nationaliste, aux haines antisémites ; elle déjoua le complot d'une partie de l'armée, les machinations, les mensonges, les trucages et les faux commis par les accusateurs de Dreyfus.
Dans cette affaire devenue mythique, qui est devenue "l'Affaire", le rôle essentiel de la Cour de cassation n'évince évidemment pas celui des autres forces qui permirent, il y a un siècle, de faire reconnaître l'innocence du capitaine et anéantir les condamnations réitérées d'une justice militaire archaïque, entièrement soumise à l'Etat major.
Outre l'intense mobilisation des intellectuels, des savants, des politiques, des républicains, au sein du mouvement "dreyfusard", dont l'influence considérable est soulignée par tous les historiens, à cette victoire judiciaire, contribuèrent tout spécialement des juristes, des juges d'instruction comme Paul Bertulus, de grands magistrats du parquet comme Jean-Pierre Manau et Manuel Baudoin, des avocats comme Edgar Demange, Fernand Labori ou Henry Mornard. De l'action individuelle de tous ces hommes de justice, chacun à leur place et dans l'exercice de leurs fonctions ".

Et Guy Canivet , en terminant son intervention, a insisté sur le sens de l'arrêt de 1906, - aujourd'hui on parlerait de " l'arrêt Dreyfus " :
" il a pour les juges une valeur d'exemple; il incarne l'idée de justice en même temps que son complet accomplissement.
Il dit que la recherche de la vérité, le respect de la loi, l'impartialité sont le devoir de chaque juge.
Il dit que la méthode du jugement est faite de respect de la procédure, de rigueur, de savoir-faire, de précision, d'exactitude.
Il dit que la mission de juger exige éthique, courage, force morale et engagement.

Il dit que l'arbitraire et le complot ne résistent pas à une justice forte et indépendante pratiquant ces principes et valeurs ".

Pour au moins toutes ces raisons, l'Affaire nous concerne tous, aujourd'hui comme hier, et comme demain.


~Deborah Bernard~

 

On commémore officiellement en cette année 2006, le centenaire de la réhabilitation de Dreyfus. Ce qui a donné et donne lieu à plusieurs colloques dont l'un, en particulier, en juin à la Cour de Cassation, qui aura pour thème : "De la justice dans l'affaire Dreyfus".


~Deborah Bernard~

 

Certes, Dreyfus a été réhabilité (mais en 1906 alors qu'il a été accusé fin 1894, et après cinq années d'un bagne abominable). Mais les principaux responsables, à savoir les membres de l'Etat-Major quasiment au complet, n'ont pas été jugés : il y a eu une amnistie générale. Ce qui tout de même laisse un drôle de goût d'inachevé. L'Etat major comme le ministre de la Guerre ont couvert les falsifications et autres "forgeries" au nom de... l'honneur de l'Armée.


~Deborah Bernard~

 

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