Lobby et Syndicat

Ce mot " lobby " qui revient périodiquement dans l'actualité a un sens et une histoire.


Mot anglais, il signifie, à l'origine " couloir ", " hall ", " vestibule " et plus particulièrement en Angleterre le vestibule où les députés se répartissent pour voter. On voit bien comment le mot a glissé au fil du temps, désignant un groupe de gens qui se réunissant dans un hall ou un couloir puis, singulièrement aux Etats-Unis, vers une signification annexe : au XIXè siècle, un lobby devient aussi un groupe de pression cherchant, en fréquentant ce qu'on appelle largement les " couloirs " pour ne pas dire les coulisses, à influencer la politique dans le but de défendre des intérêts particuliers.

De nombreux lobbies pèsent aux Etats-Unis, tel celui, fameux, des camionneurs, mais pas seulement. Il existe une grande variété de lobbies, puisqu'il y aussi bien des lobbies en faveur de la liberté des ventes d'armes, de l'industrie militaire, des pétroliers, et des lobbie religieux.

En France, mais pas seulement, le lobbying, - la pratique quasiment professionnelle d'un lobby - est devenu une pratique courante : il existe des cabinets qui emploient à cette fin des spécialistes, des économistes, des juristes, cabinets auxquels peuvent faire appel tel ou tel groupe industriel, agricole, commercial etc... Dans le cadre de l'Europe, ces cabinets nombreux et organisés sont très actifs auprès du parlement de Strasbourg.

Il va de soi qu'au plan national, il y a aussi des lobbies, que la pratique en est courante et ne dérange personne : lobby du tabac, de l'alcool, du nucléaire, de la chasse etc.

Mais l'expression devient bizarrement sulfureuse dès lors qu'on entend " lobby juif ". Et là, il y a difficulté. Ambigüité. Malaise. Pourquoi ?

Prenons d'abord l'exemple du COMECE, un acronyme fort peu connu ; il s'agit pourtant de la Commissio Episcopatuum Communitatis Europensis (Commision des Episcopats de la Communauté Européenne) dont les buts sont :

  • Accompagner et analyser le processus politique de l'Union européenne.
  • Informer et conscientiser l'Eglise sur les développements de la législation et des politiques européennes.
  • Encourager la réflexion, basée sur l'enseignement social de l'Eglise, sur les défis posés par la construction d'une Europe unie.

Mais alors, comment se fait-il que ces deux mots, " lobby juif " aient une connotation péjorative ?

D'une part, parce qu'ils ne sont jamais prononcés par n'importe qui : ces deux mots se retrouvent en permanence dans le discours d'antisémites, déclarés ou non.

D'autre part, " Lobby juif " est une manière condensée de reprendre les fallacieuses et traditionnelles accusations portées contre les Juifs à commencer par la prétendue puissance des juifs, et à ce prétendu complot qu'ils ourdiraient en permanence à leur bénéfice.

Il y aurait pourtant une autre manière de comprendre qu'il y ait un " lobby juif " : l'antisémitisme dans l'Histoire, et plus proche de nous, l'extermination des Juifs par les nazis, ne peut qu'avoir rendu les Juifs prudents. On comprend donc parfaitement qu'ils se soient organisés pour lutter contre d'autres crimes qui pourraient se répéter contre eux.

Le phénomène n'est pas nouveau dans l'Histoire : au cours de l'Affaire Dreyfus, les Juifs se virent accusés d'avoir monté un " syndicat ". En quoi un syndicat eut-il été indécent ? De fait, il n'y eut pas de " syndicat " juif à proprement parler. Mais il y eut bien un groupe de pression juif qui se constitua pour obtenir que la justice procède à la révision du procès du Capitaine Dreyfus.

Il faut relire Zola, (dans un article signé dans le Figaro le 1er décembre 1897) à propos de ce fameux syndicat :
"Toute l'histoire du syndicat est là : des hommes de bonne volonté, de vérité et d'équité, partis des quatre bouts de l'horizon, travaillant à des lieues et sans se connaître, mais marchant tous par des chemins divers au même but, cheminant en silence, fouillant la terre, et aboutissant tous un beau matin au même point d'arrivée. Tous, fatalement, se sont trouvés, la main dans la main, à ce carrefour de la vérité, à ce rendez-vous fatal de la justice.
Puis, après les juifs fondateurs, après la famille directrice, viennent les simples membres du syndicat, ceux qu'on a achetés. Deux des plus anciens sont MM.Bernard Lazare et le commandant Forzinetti. Ensuite, il y a eu M.Scheurer-Kestner et M.Monod. Dernièrement, on a découvert le colonel Picquart, sans compter M.Leblois. Et j'espère bien que, depuis mon premier article, je fais partie de la bande. D'ailleurs, est du syndicat, est convaincu d'être un malfaiteur et d'avoir payé, quiconque, hanté par l'effroyable frisson d'une erreur judiciaire possible, se permet de vouloir que la vérité soit faite, au nom de la justice ".

 
 
~Deborah Bernard~ Publié le : 17/03/2007

 

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