Froberger, Johann Jakob, 1616-1667

Biographie d'un célèbre claveciniste itinérant du XVIIè siècle.


Pendant la Renaissance, on tenait la Mélancolie pour l'un des moteurs de la création. Johann Jakob Froberger fut de ceux dont la vie et l'œuvre illustrèrent le mieux cette idée. Il naquit le 19 mai 1616 à Stuttgart. Son père était maître de chapelle à la cour du duc de Wurtemberg, c'est-à-dire qu'il dirigeait le chœur de la chapelle ducale, en particulier lors des offices religieux. Il aimait à faire chanter les musiques composées par les maîtres d'Italie, de France et d'Angleterre. Le jeune Johann Jakob grandit environné de musique, ainsi que ses quatre frères aînés qui, tous, chantaient dans le chœur de la chapelle ducale.

Johann Jakob apprit le chant, l'orgue et le clavecin. En étudiant les œuvres des maîtres du passé, il apprit l'harmonie qui permet d'écrire la musique. On ne sait pas à quel âge il commença de composer. En 1631, âgé de quinze ans, il se rendit à Vienne. Vienne était alors le siège de la cour impériale. L'empereur Ferdinand III aimait la musique, et se plaisait à composer des pièces qu'il jouait lui-même ou donnait à jouer aux musiciens de sa cour. En 1637, il nomma Johann Jakob Froberger organiste à la cour impériale. En ce temps-là, les musiciens attachés à une cour n'étaient ni plus ni moins que des domestiques qui, en plus de leur service, se trouvaient savoir jouer d'un instrument.

En cette même année de 1637, Froberger obtint permission de l'empereur de se rendre à Rome se perfectionner auprès de Frescobaldi, un des plus grands maîtres de l'orgue et du clavecin vivant à cette époque. Froberger resta à Rome jusqu'en 1641, puis il rentra à Vienne et reprit son poste d'organiste à la cour.

Froberger avait un caractère mélancolique et passionné. Il était plutôt petit, et gros. Il ne se maria jamais. Il aimait voyager. En 1645, il quitta Vienne à nouveau et se fit pendant huit années musicien itinérant. Son jeu et sa musique étaient très appréciés à Londres et à Amsterdam. En 1652, il est à Paris : c'est pendant ce séjour que les Français changèrent son nom en Monsieur Frobergue. Il se lia aux musiciens qui étaient à Paris à la cour du roi de France. Il eut pour ami Monsieur de Blancheroche, qui jouait du luth. Un soir de 1652, Monsieur de Blancheroche tomba dans son escalier, et mourut dans les bras de Froberger sans avoir reçu les derniers sacrements. Froberger composa en sa mémoire le Tombeau fait à Paris sur la mort de Monsieur Blancheroche , précisant que cette pièce devait se jouer " lentement et avec discrétion sans observer aucune mesure ", c'est-à-dire très librement. Dans la deuxième partie du Tombeau, il fit retentir quatorze fois le sol grave, comme un glas, alors qu'à la main droite se déroulaient des accords riches et d'une grande tristesse. Le Tombeau s'achève sur une gamme descendante seule, et qui aboutit au do le plus grave du clavecin. Froberger rappelle ainsi de quelle mort était mort son ami, et aussi que son âme, non pourvue des sacrements, avait dû descendre aux Enfers, ainsi qu'on le croyait alors. C'est l'une des plus belles et des plus déchirantes pièces du répertoire du clavecin.

Les pièces de Froberger ont souvent un caractère descriptif ou narratif, amplifié par le titre qu'il leur donne : c'est ainsi que l'on trouve parmi ses œuvres une pièce intitulée Memento Mori Froberger , ou bien Méditation sur ma mort future, laquelle se joue lentement et avec discrétion. En lui, l'ironie le disputait à la mélancolie. Un jour qu'il cheminait entre Bruxelles et Louvain, des soldats l'agressèrent, lui dérobèrent ses maigres biens et le laissèrent pour mort. Froberger en réchappa et composa la Lamentation sur ce que j'ai été volé ; et se joue à la discrétion, et encore mieux que les soldats m'ont traité. Pareille mésaventure se reproduisit en 1662, alors qu'il se rendait de Paris à Londres. Arrivé à Londres, il dut se faire souffleur à l'orgue de l'abbaye de Westminster. Orlando Gibbons était alors organiste de l'abbaye. Il était presque plus connu pour son ivrognerie que pour sa musique. Pendant le récital que Gibbons donna pour le mariage du roi Charles II, Froberger, perdu dans ses pensées, cessa soudain d'actionner les soufflets de l'orgue : la musique avait un tel pouvoir sur lui qu'elle lui faisait oublier jusqu'à ce qu'il faisait. L'orgue se tut. Furieux, Gibbons le chassa de l'abbaye de Westminster en le rouant de coups. Froberger composa alors une Plainte faite à Londres pour passer la Melancholie..

Il était doté d'une grande sensibilité et d'un grand sens poétique : il composa en 1654 un Lamento sopra la dolorosa perdita della Real Mstà di Ferdinant IV, Rè de Romani, en souvenir de l'enfant mort en bas âge de l'empereur Ferdinand III. Le morceau s'achève sur une gamme ascendante de do majeur, sur trois octaves, qui symbolise la montée de l'âme de l'enfant royal au paradis. Sur le manuscrit de la main de Froberger, cette gamme aboutit à un dessin figurant les nuées du ciel, avec les rayons de la puissance divine, et des têtes d'angelots...

Le 7 mai 1667, Froberger mourut, foudroyé par l'apoplexie. Entre 1631 et 1667, il était resté pendant à peine dix années à Vienne, à la cour de l'empereur. Le reste du temps s'était passé en voyages. Il avait toujours refusé que sa musique soit publiée. Il disait que ceux qui tenteraient de la jouer ne sauraient comment la traiter et ne pourraient que l'abîmer. La duchesse de Wurtemberg, qui était son amie et chez qui il mourut près de Montbéliard, ajoutait que celui qui n'aurait pas appris comment jouer ces pièces de Monsieur Froberger lui-même, ne les saurait jouer comme il fallait. Trop grandes étaient les libertés qu'il prenait avec sa musique, et la part d'improvisation qui y entrait. Toutefois, la beauté de son jeu et de ses pièces était telle que les musiciens de l'époque en gardèrent mémoire longtemps après sa mort, ce qui était alors assez rare pour être remarqué. Contrairement au vœu de Froberger, sa musique fut publiée et jouée dans toute l'Europe : en 1693, à Mayence, puis en 1697 à Amsterdam, des éditeurs firent paraître les Pièces de Clavessin de Monsieur Giacomo Frobergue . Son influence se retrouve jusque dans les œuvres de Bach, qui naquit vingt ans après la mort du maître de clavecin de Stuttgart.

Froberger, allemand de naissance, fut l'un des plus grands représentants de la musique pour orgue et pour clavecin dans le style français de l'époque. Il fut aussi l'un des premiers grands virtuoses " nomades ", voyageant de pays en pays pendant plusieurs années de suite pour se produire en concert dans toutes les grandes villes d'Europe, en un temps où les plus grands musiciens ne quittaient qu'occasionnellement la cour ou l'église qui les employait. La mélancolie et la passion qui se dégagent de sa musique en ont conduit certains à dire qu'il annonçait, à sa manière, un autre virtuose nomade né deux siècles après lui : Frédéric Chopin.

Discographie sélective : Pièces de clavecin de Johann Jakob Froberger, jouées par Blandine Verlet.

 
 
~carroll ex nihilo~
Publié le : 28/07/2006

 

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En effet je le connais j'aimais bien ses chansons, cela me fait penser à Léonard de Vinci, je ne sais pas pourquoi mais bon c'était l'un de mes meilleurs chanteurs, mais il est mort au 17e siècle c'est vraiment dommage.


~Ssk~ le 04-12-2010 à 15:06
 
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