Histoire de l'espionnage français (partie 1)

De la genèse à 1815.


C'est au XVè siècle que l'on note la première utilisation de services de renseignement organisés et structurés par les responsables politiques. De petites cellules appelés "cabinets secrets", "cabinet noir", "cabinet des écritures secrètes" ou "secret du Roy" apparaissent ; elles sont chargées d'animer un ou plusieurs réseaux d'information, d'indicateurs, d'agents de liaison, d'émissaires, de messagers et bien sûr... d'espions.
Mais pourquoi, me direz-vous, tout d'un coup, on crée et on se sert d'espions ? Eh bien tout simplement parce que les relations entre les Etats européens sont différentes. Le peuple conteste de plus en plus le pouvoir absolu, les guerres de religion font rage et la situation économique n'est pas très joyeuse. On met donc en place des réseaux d'information afin de prévenir et si possible de juguler tout danger pour la royauté. La politique intérieure est prioritaire.

Sous Louis XI, par l'intermédiaire de Philippe de Commynes, on mit en place l'embryon d'une structure de renseignement reposant sur un système de relais de poste étendu à l'ensemble du royaume. Ce réseau s'avèrait en effet nécessaire pour faire face aux intrigues de Charles le Téméraire. Un peu plus tard, Louis XII et François Ier utilisèrent des services informateurs qui agissaient dans les Etats provinciaux du royaume et à l'étranger sous le contrôle des baillis, des sénéchaux et des intendants.

Mais les affaires sérieuses commencèrent sous Louis XIII, avec Richelieu, qui fit venir en 1624 auprès de lui le capucin François Le Clerc, alias Le père Joseph. Sous le couvert de la Congrégation de la Propagation de la Foi, le père Joseph mit en place un réseau de renseignement s'étendant de l'Angleterre jusqu'au Levant, en passant par le Canada et la Russie. Un "cabinet noir" était chargé de lire le courrier des personnes supposées comploter contre le roi (traîtres !), la correspondance ayant été bien sur interceptée. En 1626, le cardinal de Richelieu réussit à acheter les faveurs d'Antoine Rossignol (comme dans Tintin...pardon), spécialiste en cryptographie : c'est la création du premier service du chiffre d'Europe, appelé le Bureau de la partie secrète . Les services de Richelieu avaient pour principale mission de se renseigner sur l'Eglise protestante de France et sur les complots fomentés par la noblesse française. Hélas, après la mort du père Joseph et de Richlieu (paix à leurs âmes, s'ils en ont eu une...), le cardinal Mazarin ne parvint pas à reprendre le réseau : il réussit tout juste à conserver les services d'Antoine Rossignol.

Après la mort de Mazarin, Louis XIV, aidé de son ministre de la Guerre le marquis de Louvois, organisa dans le royaume un service de renseignement (surtout à vocation militaire) en créant la la section statistique du Dépôt de la guerre. Le roi fit également appel à ses ambassadeurs et à ses consuls en poste à l'étranger, qui disposaient de leurs propres réseaux. Parmi les espions au service du roi, on peut citer Gaspard d'Espinchal et Arnault de Pomponne (des grands hommes). Au XVIIIè siècle, le renseignement jouait un rôle central dans les intrigues et les renversements d'alliance.

Entre 1715 et 1723, l'abbé Guillaume Dubois était le principal agent de renseignements du régent Philippe d'Orléans. Il fut tout d'abord nommé secrétaire des Affaires Etrangères puis cardinal et enfin Premier ministre en 1722, mais il ne resta au sommet que très peu de temps : en 1722, Louis XV arriva au pouvoir, chassa le cardinal Dubois et mit à la tête des affaires le cardinal de Fleury qui y restera pendant 20 ans. Les services de renseignements étaient quant à eux rattachés au secrétariat d'Etat à la Guerre. Ils furent confiés en 1744 au prince de Conti puis au maréchal de Saxe. Louis XV supervisait personnellement le service "correspondance secrète", qui était surtout chargé d'une action diplomatique souterraine que le roi souhaitait contrôler seul .

En 1767, le comte Charles François de Broglie dirigeait le "secret du Roi". Jean Pierre Tercier était chargé de superviser les différents bureaux du chiffre des Affaires Etrangères, en liaison avec "le Secret du Roi".
Après la Révolution (avec un grand R), vous vous en doutez, il y eut de nouveaux facteurs économiques et sociaux : du coup, grand chamboulement des orientations et des méthodes. Petit à petit, on commença à distinguer renseignement et contre- espionnage et à séparer les renseignements touchant à la sécurité de ceux touchant aux affaires politiques et militaires. Les services étaient de taille modeste, les responsable étaient très surveillés par les "comités révolutionnaires", bref, la méfiance régnait.

En 1792, on efface tout et on recommence, on crée le "bureau de la partie secrète" qui est rattaché aux Affaires Etrangères.

En 1797, rebelote, on constitua un nouveau service sous contrôle du ministère des Relations dirigé par Talleyrand.

Le 18 brumaire de l'an VII (9 nov 1799) : Bonaparte étant consul, Joseph Fouché met en place un service de renseignement des plus efficaces (surtout en contre-espionnage), dirigé par Pierre-Marie Desmeret. Mais bon, vous l'aurez compris, c'est trop simple, les difficultés commencent en messidor de l'an VIII (juillet 1800), grâce à l'action du ministre de l'Intérieur Lucien Bonaparte. En effet, ce brave homme n'a aucune confiance en Fouché. Il nomme donc Louis Nicolas Dubois, qui a sa confiance, préfet de police. Il faut préciser que le 1er bureau de la préfecture de police est chargé des affaires secrètes et de la police politique...
1804... Fouché crée le corps des commissaires spéciaux qui sont chargés de détecter les complots contre l'Etat et de surveiller les frontières (arrière grand père des Renseignements Généraux). De nombreuses informations émanent d'un "cabinet noir" (chargé de l'interception du courrier). Napoléon a des contacts réguliers avec d'autres services de renseignement (gendarmerie, armées, relations extérieures...) et il peut également utiliser les services de la police des Tuileries qui est commandée par le général Duroc, chargé de la protection rapprochée de l'empereur. Devinez la suite, entre une tripotée de services différents commandés par des gens différents et les menaces proférées par les royalistes, le mélange est explosif, ce qui nous donne une véritable guerre des polices qui est encouragée par l'empereur. Ce devait être sympatique à l'époque, quand on sait que les responsables des services en question ont leur propre police parallèle (mais où trouvaient-ils les sous pour les payer ???) pour briser les complots et les protéger des intrigues des autres chefs de service. Comme agent célèbre du S.R militaire et de la gendarmerie de l'Empereur, on peut citer Charles Louis Schulmeister (nommé commissaire général de la police en novembre 1805). La "partie secrète et des reconnaissances" fut dirigée par Savary, assisté par le commandant Meckenem. Ils supervisent les 3 bureaux. Le 2è bureau (le plus important) est chargé du renseignement topographique. Jean Landrieux dirige le bureau qui est chargé de centraliser les renseignements politico-militaire recueillis dans chaque pays occupé par l'armée impériale. La deuxième division du ministère de l'Intérieur est chargé des affaires "réservées" dont l'action dite de sûreté générale et de police secrète. C'est de ce service que vient l'expression "ceux de la Secrète".

1810 : Savary remplace Fouché au ministère de la Police tout en conservant le contrôle du SR militaire.

1811 : le baron Pierre Edouard Bignon, diplomate en poste en Prusse Autriche et Pologne est chargé par l'empereur de créer "une police secrète concernant l'empereur dans l'armée ennemie" (en clair des espions doubles, ou des vendus ou des traîtres à leur pays...).

Fin de la première partie.

 
 
~jamesB~
Publié le : 30/01/2006

 

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Voilà, ça c'est bien mieux que les énigmes... Bravo!



~Darkiliane Suky~ le 00-00-0000 à 00:00
 
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