La première femme-avocat

En cours d'Histoire du Droit, j'ai appris que la première femme-avocat s'appelait Mademoiselle Chauvin. Intéressée, j'ai cherché à en savoir plus et j'ai découvert qu'elle n'était pas la première...


Le mot « étudiante » n’existe pas à la fin du dix-neuvième siècle.
Enfin, pas dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui.
Une étudiante à l’époque est celle qui couche avec un étudiant, elle n’étudie rien.

L’année scolaire 1884-1885 fut marquée par l’arrivée de la roumaine Sarmiza Bilescu en Faculté de Droit. Le Conseil de Faculté fut appelé à statuer pour savoir si elle pouvait ou non assister aux cours.
L’autorisation fut accordée, mais pas à l’unanimité.
Peu importe, c’est donc accompagnée d’un chaperon (sa mère ou son mari) qu’elle s’installera sur les bancs de la faculté. Première licenciée en Droit en 1887, elle obtiendra sa thèse en 1890 (De la condition légale de la mère).

Qu’en est-il de la française Jeanne Chauvin?

Difficile de ne pas parler de Mademoiselle Chauvin.
Elle a été reconnue comme étant la première femme-avocat en France.
Mais la réalité est tout autre...

Elle obtiendra sa thèse en 1892 : Des professions accessibles aux femmes en Droit Romain et en Droit Français, qu’elle passera dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. Docteur en droit, elle ne peut ni plaider, ni prêter serment puisqu’elle ne jouit pas de droits politiques.
Jeanne Chauvin va donc demander, le 24 novembre 1897, son inscription au Barreau de Paris devant la Première Chambre de la Cour d’appel de Paris.
Dans un arrêt du 30 novembre 1897, la Cour déclara la requête de Jeanne Chauvin irrecevable.
Il ne lui reste alors que la voie parlementaire.

C’est ainsi que le 30 juin 1899, on devait débattre à la Chambre des députés de la proposition de loi déposée par René Viviani et plusieurs collègues avocats, ayant pour objet de permettre aux femmes d’exercer la profession au nom du « principe de l’égalité d’accès à la profession d’avocat, à égalité de diplôme ».
Deux ans de discussion avant qu’une loi entre en vigueur. Les arguments « contre » étaient intéressants : certains craignaient que ce soit la fin de toute une ère, voire de la famille bourgeoise, et qu’il faudrait penser à supprimer la présomption de paternité (si, si).
De nombreuses caricatures peignaient avec effroi un monde où les femmes exerceraient tous les métiers masculins en corset et porte-jarretelles et où les hommes, réduits à leur caleçon et maillot de corps, se retrouveraient avec la préparation de la nourriture et l’emmaillottage des bébés...

C’était le début de la fin en quelque sorte.

Cela dit, la loi passa le 1er décembre 1900. Mais ce ne fut pas Jeanne Chauvin qui prêta serment la première.

Madame Petit, première femme-avocat.

C’est un nom français me direz-vous, effectivement.
Dans certains livres ils osent même dire qu’ils ne connaissent pas le prénom de cette illustre oubliée de l’Histoire. Alors, j’ai cherché, et j’ai trouvé : Olga. Une russe. Il paraît que plus d’un tiers des étudiantes inscrites à l’université de Paris de 1905 à 1913 sont étrangères. Il y avait tant de femmes de l’Est en France (notamment de Pologne, Russie, Roumanie) qu’elles suffirent à alimenter une « Revue de femmes russes » (1896-1897).
Donc Olga Petit prêta serment le 6 décembre 1900, soit 24 heures après la promulgation à L’Officiel de la loi. Un avocat présent et journaliste au Figaro fit l’éloge dans son article du 6 décembre 1900 à la discrétion, à l’élégance de la robe de Madame Petit, qu’elle avait confectionnée elle-même, et à son émotion compréhensible quand elle prononça d’une « voix légèrement étranglée  par l‘émotion» le « je le jure ».

Jeanne Chauvin prêtera serment le 19 décembre 1900. Si elle ne fut pas la première femme-avocat (il paraît que ce serait dans un souci de patriotisme purement français qu'on a affirmé le contraire), ce fut elle qui eut le courage et le mérite de se battre pour obtenir le droit d'exercer cette profession.

*Le mot « avocate » n’existe que depuis 1999.

Bibliographie

  • Le Figaro du 6 décembre 1900 « La première avocate »
  • Féministes à la Belle Époque (RABAUT Jean, 1985)
  • Colloque HISTOIRE/GENRE/MIGRATION, mars 2006
  • Cartes postales anciennes, caricatures de la femme-avocat
(site internet du centre d’histoire du Droit de l’université de Rennes 1)

 
 
~Lilamarine~ Publié le : 03/03/2009

 

En cas de conflit avec cet article (problème de droits d'auteur, etc.) vous pouvez en demander la suppression auprès d'un administrateur du site.

Il faut être membre du site afin de pouvoir débattre autour d'un article.