Le Brouillon

Euthanasie et question de souffrance.

« Je veux mourir, je ne supporte plus d’être un légume dans cet hôpital qui sait que je suis sur le chemin de la mort. »
« Laissez-moi mourir, je ne veux plus que ma maladie aille plus loin, on ne peut rien faire pour la soigner, alors autant que je parte tout de suite, ça m’évitera de souffrir plus longtemps pour rien. »
« Laissez partir mon fils, monsieur le médecin, euthanasiez-le. Il souffre trop, je ne supporte plus de le voir comme ça. Vous n’avez pas le droit de le laisser souffrir comme ça ! »

Qui n’a pas entendu ces mots ? Quel journal n’a pas relaté l’histoire de Bernadette Soubirou, et des autres dans le même cas : confrontés à la mort, et à l’institution hospitalière qui ne peut pas les laisser s’en aller vers l’autre côté, passer l’arme à gauche. C’est d’euthanasie dont nous parlons. On n’a pas le droit d’euthanasier, et pourtant, tout le monde s’en indigne. Pourquoi ?


J’imagine la situation du médecin, de l’homme, qui reçoit une telle demande : "tuez cette personne de vos mains". Il y a des raisons de le faire, certes. Arrêter de souffrir. Ne pas mener une vie condamnée d’avance. La plupart des médecins diront non, au plus grand dam des familles, ou du principal concerné. Ils n’ont tout simplement pas le droit, et certainement qu’ils ne le peuvent pas. Ils ne le peuvent pas parce qu’ils sont conscients de ce que ce que cet acte implique : par son action, faire d’un vivant, un mort. N’est-ce pas la définition de « tuer » ?
Et puis, qui d’autre sinon quelqu’un de supérieur pourrait décider d’une telle chose ? Les animaux suivent une hiérarchie pour tuer les êtres vivants, les lions mangent les gazelles, les gazelles mangent l’herbe vivante, dans l’ordre du plus fort au plus faible. Il y a rapport de force, c’est l’ordre naturel des choses. Mais nous ne sommes pas supérieurs à nos semblables, comment le pourrions-nous ? Sur quels critères ? Parce que celui qu’on a en face de soi est sur un lit d’hôpital, il est plus faible ?

Même l’homme le plus fort du monde pourrait se retrouver un jour sur un lit d’hôpital. A la limite, pourquoi pas, on pourrait dire qu’il deviendrait alors plus faible que le médecin, et que celui-ci le dominerait donc. La hiérarchie de force, autrement dit la « loi de la jungle » pourrait s’appliquer. Mais autre chose semble à l’œuvre qui arrête le geste du médecin, la même chose qui est à l’œuvre chez ceux qui demandent la mort : La culpabilité.


Je m’explique : Si le médecin fait l’acte de donner la mort consciemment, il se sentira coupable d’avoir tué. Il faudrait qu’il ne considère plus la personne en face de lui comme une personne pour ne plus se sentir coupable, car alors il ne tuerait plus personne... A la limite, pourquoi pas, même si ça poserait beaucoup de problèmes, on pourrait dire qu’une personne qui n’a plus les « critères » d’humanité (qu’il faudrait de toute façon définir), comme par exemple un malade végétatif dans un lit d’hôpital, n’est plus une personne. Mais je ne pense pas que c’est là le principal problème de l’euthanasie.

Le principal problème de l’euthanasie réside selon moi dans la demande d’euthanasie en elle-même, et plus exactement ce qui la motive... Les principales raisons que l’on a pu entendre, et que l’on entendra toujours pour justifier le choix d’euthanasie sont les deux suivantes : l’arrêt de la souffrance, et la condamnation de la vie du malade.

Pour le deuxième argument, il est simple de voir en quoi il est bancal : toute vie est condamnée. Pourquoi une vie condamnée à cause de la maladie aurait-elle moins le droit à la date de sa mort qu’une vie condamnée par la vieillesse ? On pourrait alors me répondre « parce qu’elle est plus dure à vivre ». Dure à cause de quoi ? « De la souffrance ». On en revient toujours à ce point, qui semble en fait être le point central. La souffrance. On veut mourir, parce que l’on souffre. Là est tout le problème de la demande d’euthanasie !

Qui n’a pas souffert dans sa vie ? Qui n’a pas eu envie de mourir, parce qu’il ne se sentait pas capable de survivre aux assauts de la vie ? On ne se sent pas capable de vivre, donc on ne peut plus vivre ? Je ne suis pas d’accord. Au final, tout le monde en est sorti. Certains demanderaient à mourir pour des souffrances que d’autres pourront supporter sans peine, et que les premiers supporteront certainement très bien quelque temps plus tard, avec l’expérience...

La souffrance fait partie de la vie, c’est même grâce à elle que l’on sait que l’on est en vie, disent les philosophes. Là où il n’y a pas de souffrance, il n’y a pas de vie. Pourquoi alors vouloir absolument enlever la souffrance des gens ?
A la limite, on me dira que les personnes hospitalisées, elles, ne s’en sortiront pas. Et on aura raison. Mais elles n’emportent pas tout leur monde avec elles, et même si leur souffrance ne vaut pas la peine d’être vécue, parce qu’ils ne pourront rien en faire pour vivre réellement, ça ne suffit pas à oublier qu’il y a autour d’un malade tout son entourage. C’est à mon avis lui qui souffre le plus. C’est souvent lui qui demande l’euthanasie, parce que, finalement, un légume dans un hôpital ne ressent aucune souffrance, ce sont les proches qui ont mal.

Je pense que la principale motivation qui amène à demander l’euthanasie est que personne ne supporte plus la souffrance, et l’arrêt de la souffrance est devenu plus important que tout le reste, y compris vivre.

Nous savons tous, peut-être inconsciemment, que pour vivre, il faut souffrir, et qu'ainsi, souffrir, c’est vivre. Cette nouvelle propension à ne plus supporter aucune souffrance en vient à ne plus supporter la vie elle-même. On ne supporte plus la vie, on en vient donc à penser que mourir est une meilleure chose, vu qu’il n’y a alors plus de souffrance. La souffrance est devenue pire que tout, même pire que la mort. Il est donc logique de préférer mourir plutôt que souffrir.

Est-ce que la souffrance est vraiment, comme tout le monde semble le penser, pire que la mort, alors même qu’elle permet la vie ? N’est-ce pas la vie, le plus essentiel ? Notre pulsion primaire n’est-elle pas une pulsion de survie ? Pourquoi l’a-t-on oublié, et pense-t-on que la souffrance est plus primaire que la vie, dans la vie ?

Tout ça me fait penser à un dépressif qui ne voit plus que sa souffrance, qui n’accorde d’importance à rien d’autre, et qui met le mal-être sur un piédestal, devant tout le reste, dans sa subjectivité faussée par la noirceur. L’humanité est-elle donc dépressive ?



~Kikouk~ le 03-02-2009 à 18:14
 

La question est celle de l'espoir.
A quoi cela sert de vivre s'il n'y a plus l'espoir de voir les choses s'arranger?
Tu te mets à la place du médecin, mais mettons-nous à la place du malade. Il souffre d'une maladie mortelle, il sait qu'il va bientôt mourir. Le peu qu'il lui reste à vivre n'est que souffrance. Il n'a pas la possibilité de mettre fin lui-même à sa vie.

Souffrir pour le commun des mortels, c'est vivre, c'est vrai. Mais nous souffrons tous dans l'espoir de voir les choses s'arranger, et celles-ci s'arrangeront forcément. Il faut juste être patient. Mais lorsqu'on sait que cet espoir est vain, que de toutes les manières possibles, ce qui nous reste à vivre ne nous laissera pas la possibilité de voir les choses s'arranger ?

La décision de vouloir mettre fin à la vie du patient appartient à ce dernier, et le médecin n'est que le rouage de cette décision.



~Tao_master~ le 03-02-2009 à 22:15
 

C'est vrai, l'espoir y est certainement pour beaucoup...

Bah, dans ce cas, on reporte la question sur: d'où nous vient ce droit de décider quand nous devons arrêter notre vie?

En tout cas, c'est un principe que les religions refusent en masse, avec des raisons assez valables...



~Kikouk~ le 03-02-2009 à 23:02
 

Il y a dans tout ce que tu exposes une notion qui est quasiment reléguée au dernier rang : le droit de choisir, quel que soit ce choix.

Oui, la souffrance fait partie de la vie et sans souffrance, on n'aurait pas la possibilité de se dépasser. On le sait.

Mais j'estime qu'on a le droit de choisir de refuser cette souffrance.
On a le droit de faire le constat qu'accepter la souffrance ne donnera pas davantage d'espoir quant à un avenir meilleur.

Et même si l'on se trompe, même si l'on sait qu'on peut s'en sortir autrement, on aussi le droit de refuser certaines alternatives qui ne cadrent pas avec la vie telle qu'on la souhaite.

Il y a des personnes qui ont un passé trop lourd, une vie trop lourde en soi, et on a aussi le droit d'en avoir marre passé la goutte d'eau qui fait déborder l'océan.



~~chris~~ le 04-02-2009 à 09:36
 

Après, il y a quelque chose d'essentiel dans la notion de choix. Ce dernier change constamment. Dans un moment de douleur on peut supplier de mourir, alors que lorsque celle-ci s'apaise, nous sommes heureux de vivre.

Pouvons-nous considérer une personne qui souffre énormément comme une personne mentalement assez stable pour prendre une décision ?



~Tao_master~ le 04-02-2009 à 12:51
 

Je pense que la souffrance et la santé mentale sont deux choses distinctes.

Une partie de la souffrance, c'est la conscience que, même lorsque l'on aura cessé de souffrir avec son cœur et avec son âme, on souffrira d'une façon plus douce mais lancinante, qui rongera l'être tout entier. On arrivera de nouveau à vivre, mais on le vivra comme une survie, et non comme la vie et la définition profonde que l'on en a.



~~chris~~ le 04-02-2009 à 13:30
 

A vrai dire, je ne suis pas d'accord avec ce que tu dis, Chris...

Une personne qui a vécu les pires souffrances, et qui se dit ensuite "il va m'en rester, mais des moindres" aura toutes les raisons de vivre sa vie bien mieux que quiconque, parce qu'elle aura les armes pour combattre les "petites souffrances", vu qu'elle a su combattre les "grandes souffrances"...
(Je mets cela entre guillemets parce que c'est pas bien beau de parler en ces termes, mais il n'y en a pas d'autres qui me viennent à l'esprit...)

Et quand bien même, on pourrait finalement faire des dizaines de scénarii différents sur le postulat: que ferait une personne placée dans cette situation? Et tous les scénarii seraient différents mais existants, parce qu'il n'y a pas qu'une façon de sentir...

Je suis totalement d'accord avec la question qu'a soulevé Tao-master : un homme souffrant peut-il être considéré comme assez responsable, assez stable, assez raisonnable, etc., pour pouvoir prendre les bonnes décisions ?
On sait bien que non, et je pense que tous les jours, on en a des preuves...



~Kikouk~ le 04-02-2009 à 23:52
 

Le problème est la généralisation. C'est un sujet trop délicat pour en généraliser les points essentiels ;
En effet, quelqu'un qui souffre ne peut pas prendre une décision objectivement, sa douleur va suggérer pour lui une solution. Or, malheureusement, tout dépend de la souffrance, d'où l'intérêt de ne pas généraliser : ayant eu parmi mes proches quelqu'un souffrant d'un cancer généralisé, qui n'arrivait à être conscient et "bien" que lorsqu'on lui injectait des litres de morphine (et à un certain point, la morphine ne le soulageait plus) comment et SUR QUEL MOTIF refuser à un homme le droit de mourir ?
Si je pars du fait que sa vie lui appartient, ses choix lui appartiennent, sa douleur et sa maladie ne pourront jamais être résolus, la souffrance ne fera qu'empirer, pourquoi lui refuser de mourir, s'il en est conscient ? A qui cela profite-t-il qu'il continue de vivre ? A sa famille ? Mais sa famille, si elle a un brin d'intelligence, ne laissera pas souffrir inutilement quelqu'un qu'elle aime...

Souffrir avec un espoir d'embellie, oui, souffrir pour souffrir, non.



~Melaquablue~ le 05-02-2009 à 09:56
 

Finalement, on voit bien ce que je voulais montrer : la souffrance est devenue plus importante que tout, même que la vie.



~Kikouk~ le 05-02-2009 à 11:01
 

Si je te suis bien, tu es donc pour la souffrance, quelle qu'elle soit, pourvu qu'elle n'entrave pas la raison de vivre ?

Mais tu n'as pas répondu à ma question : pour quel motif valable doit-on refuser la mort à quelqu'un dans le cas que j'ai cité ?

Exemple supplémentaire : en ce moment, une polémique grandit en Italie, concernant cette jeune femme de 37 ans, dans le coma depuis 17 ans. Selon toi, que doit-on faire ? La laisser sous perfusion indéfiniment, tout cela pour prolonger sa vie (même si elle n'en profite pas, vu qu'elle est dans le coma) ? En sachant qu'elle ne se réveillera pas, selon ses médecins, à moins d'un miracle, on continue à l'alimenter ? Pourquoi cet acharnement ?


Tu dis aussi dans ton message premier : "personne ne supporte plus la souffrance". Mais est-ce que ça ne serait pas une preuve d'intelligence de dire non à la souffrance ?
On en revient toujours aux mêmes questions : doit-on laisser nos instincts primitifs (vivre, avoir mal, etc.) avoir le dessus, ou doit-on évoluer et bannir ces instincts qui font que nous restons des animaux ?



~Melaquablue~ le 06-02-2009 à 08:51
 

Oui, pour moi, vivre est plus important que souffrir. En tout cas, l'homme a pour moi le droit de montrer son intelligence en faisant diminuer la souffrance, parce que ça, il peut le faire.

Tout ça pour dire que je ne dis pas : "il faut souffrir", mais bien : "il est préférable de souffrir que de mourir".

Le motif pour lequel on doit refuser la mort à quelqu'un, selon moi, n'est pas à trouver dans la pensée individualiste ou utilitariste purement occidentale...
La raison principale est que l'homme n'a pas le droit de tuer. Si on commence à lui accorder ce droit, l'homme pourrait parfaitement aller voir les gens dans les hôpitaux et faire un massacre sous couvert de la loi. Veut-on réellement cela ?
De plus, comment un homme, égal à un autre, pourrait avoir le droit de vie ou de mort sur son semblable ? Le droit de vie ou de mort ne revient en rien à l'homme. Ceux qui ont le droit de vie ou de mort sur les gens sont soit en prison, soit hors la loi. Il s'agit des tueurs, et éventuellement des anciens juristes pour la peine de mort. Ce n'est pas pour rien qu'on l'a abolie, pourquoi maintenant revenir au "droit de donner la mort" ?
Même si les raisons sont différentes, et qu'on les voit plus justes parce qu'elles parlent à quelque chose qui nous fait peur : souffrir. Les faits sont les mêmes, même s'ils sont cachés par cette excuse : rétablir le droit de donner la mort. Je trouve ça très dangereux.
L'homme n'a pas à se sentir assez supérieur pour s'arroger lui-même ce droit.

Autre motif : je suis en psychologie, et n'importe qui en ce domaine dira que l'instinct de vie est un instinct primitif. N'importe qui dira que l'homme fonctionne par la souffrance, et que la souffrance est bénéfique, parce que c'est elle qui maintient l'homme, voire l'humanité.
Car je pense aussi que ces personnes souffrantes, pour qui plus rien n'est possible, agissent sur l'humanité saine, dans un bon sens, et ça leur fait prendre conscience de la valeur de leur vie. Ils sont donc utiles à l'humanité entière, même si, individuellement, on ne le voit pas, parce qu'on ne prend pas assez de recul sur la souffrance et l'individu, et qu'on reste dans cette perspective.

Ensuite, en psychologie, on nous dira aussi que quelqu'un qui veut mourir ne veut pas vraiment mourir, mais plutôt arrêter d'avoir mal. C'est le même discours que l'on retrouve chez les suicidaires. Ceux qui veulent mourir ne le demandent même pas, c'est pourquoi je pense réellement que ceux qui demandent la mort ne veulent pas mourir, mais veulent arrêter de souffrir. On ne voit pas ce message caché, donc on leur accorde ce qu'ils disent vouloir, mais en faisant cela, on les dessert, parce que personne ne peut être satisfait de ne pas avoir réellement ce qu'il veut, de devoir se satisfaire d'un substitut.
L'homme qui tue est aveugle à celui qui veut être tué, il ne comprend pas le pourquoi. Depuis peu de temps, on a bien compris que ce qui se cache derrière la demande d'euthanasie, c'est l'arrêt de la souffrance. Mais ça n'a rien changé : on continue à vouloir tuer. Je dis non : arrêter la souffrance, ce n'est pas tuer. Tuer, c'est dire stop et tout arrêter, c'est baisser les bras, c'est choisir la facilité ! Il n'y a rien de bon à choisir la facilité, au contraire, on perd une vie en faisant ceci.

Non, je suis pour diminuer les souffrances afin de les rendre "vivables", car j'admets bien que ces gens ont dépassé le seuil de souffrance tolérable, et leur demande est de repasser en dessous de ce seuil. Je suis donc pour développer énormément les recherches et les moyens qui peuvent faire diminuer la souffrance (physique, psychologique et morale) de l'individu. Je sais aussi que sur ce domaine, on commence à peine à avoir quelques clés pour y arriver, et ce que je vois, c'est qu'on veut déjà abandonner tout cela parce qu'on n'a pas assez de ces clés, qu'elles ne sont pas encore suffisantes. Je suis désolé, ne pas avoir suffisamment de moyens ne permet pas de tuer, ça permet juste de chercher plus de moyens...

Et quant à ton exemple de la femme en Italie, je suis mal placé pour répondre, parce que mon oncle s'est réveillé du coma après 15 ans dans une situation critique, où personne ne disait qu'il s'en sortirait. Il commence à reparler, et il reconnaît sa famille proche, il est même heureux, dit-il, à présent. Donc pourquoi cet acharnement ? Parce que si le monde s'acharne, le patient peut trouver la force de s'en sortir, même si les chances sont minimes, et si le monde abandonne et choisit la facilité, le patient se sentira abandonné et se laissera mourir car l'on aura rajouté à sa souffrance. (Eh oui, les gens dans le coma sentent si les gens sont à côté d'eux et font attention à eux, paraît-il: témoignages à l'appui.)



~Kikouk~ le 06-02-2009 à 10:24
 

Je ne pense pas que l'on peut contester le fait que la mort est une solution à la souffrance. C'est en fait la solution à tout.

Bannir ses instincts primitifs, ce n'est pas bannir la souffrance, loin de là. Tout être vivant souffre, et c'est cette souffrance qui aide à rester vivant.

Par exemple, certains bébés naissent avec une anomalie génétique qui provoque une insensibilité totale à la douleur. Ils meurent au bout de quelques mois, après avoir fait leurs dents sur leurs propres lèvres.

Bannir ses instincts primitifs, c'est essayer de ne plus être motivé par la souffrance. Réussir à l'accepter, afin de la transcender. Ainsi, nous serons motivés par des instincts beaucoup plus nobles, tel que l'espoir.

La douleur fait partie de nous, tout simplement parce que nous sommes vivants. Il ne faut pas s'en débarrasser, mais uniquement essayer de faire taire son expression trop forte et inutile.

Pour ce qui est de l'acharnement thérapeutique, c'est le grand débat entre l'espoir et le fatalisme. Mais quiconque réfléchit un peu se rendra compte que, si la fatalité est rare, l'espoir, lui, est toujours présent.
Il faut mettre dans la balance l'épuisement provoqué par notre combat, et de l'autre coté les chances que les choses s'améliorent.
Et puis, qu'avons-nous à perdre à conserver une personne dans le coma ? Du temps, de l'argent ?
Et ne vaut-il pas mieux vivre dans l'espoir que dans le regret ?

Je pense qu'il n'y a aucune généralité à faire, c'est un choix qui appartient à chacun, bien que j'espère qu'il ne se présentera jamais.

Pour revenir à la question du droit de vie et de mort : on l'a rapidement banni de nos sociétés, et je pense que c'est mieux comme ça.
Mais c'est surtout une question juridique, il n'y a rien d'universel sur ce droit. La société a fait ce choix moral comme elle aurait pu en faire un autre. C'est davantage une question d'ordre et d'anarchie.

Pour finir, voir la mort comme la première des choses à éviter parce qu'elle est négative, ce n'est pas cela, le plus primitif et le tout premier des instincts ?



~Tao_master~ le 06-02-2009 à 14:30
 

En fait Kikouk, ton brouillon me fait penser à ce que j'ai voulu développer avec mon article "médecine : cadeau empoisonné", mais tu as su mieux le développer que moi, félicitations !
Sinon je suis entièrement d'accord avec Melaquablue. Mais ne pourrait-on pas créer une carte (comme pour les donneurs d'organe) et que si l'on est un jour dans un état comme le décrit Melaquablue ci-dessus, on nous autorise à nous euthanasier...
(Encore faut-il que ce soit autorisé.)
Ça soulagerait le malade (nous ?) et notre famille...



~LESTAT~ le 06-02-2009 à 17:26
 

Je ne sais pas si on a bien vu la différence que j'avais mise : je ne souhaite pas que l'on tue, je souhaite que l'on autorise une personne à (vouloir) mourir. Le vouloir de base est différent, parce que si jamais le métier d'euthanasieur était mis en place, ce serait différent d'un bourreau, ou d'un militaire, ou d'un tueur à gages, puisque la personne aurait décidé de mourir, et le choix n'aurait pas été fait par un tiers. Donc la diatribe sur le "on n'a pas le droit de tuer" est à nuancer. On n'a pas le droit de vouloir mourir ?

Je comprends que le fait de positionner quelqu'un pour tuer une personne qui le désire soit perturbant, je n'ai pas dit non plus que ça me réjouissait.

Je comprends qu'en psychologie, on dise que la volonté de mourir cache la volonté de guérir. Moi, je m'imagine juste à la place des personnes à qui cela arrive, pour l'avoir vu, de savoir que la souffrance ne diminuera pas, et si je dois vivre pour que les autres me regardent souffrir et devenir "l'attraction permettant de relativiser les choses" (prendre conscience de la valeur de la vie) : très peu pour moi !

Et peut-être choisissons-nous la facilité à vouloir tout arrêter, mais enfin il me semble que ça regarde chacun de nous. J'en reviens à la propriété de la vie, et la propriété des choix.



~Melaquablue~ le 09-02-2009 à 09:29
 

Moi, par exemple, en juin dernier: suite à un cancer j'ai développé une fibrose pulmonaire. Et résultat: 2 mois de coma...
On a dit de moi que mon état était désespéré et 8 mois après je suis là...
Mais ma plus grande angoisse, c'est que tout recommence et que je tombe en état végétatif (le corps ne réponds plus mais la tête va très bien), ce que j'ai eu durant 2 semaines. Dans ce cas-là je préfère que l'on me tue plutôt que souffrir à nouveau de tout cela...
Je suis aux premières loges, malheureusement, pour parler de l'euthanasie et de ce qui peut être son soulagement ! (Patient et famille comprise.)



~LESTAT~ le 09-02-2009 à 12:11
 

Ne vous inquiétez pas les mecs, quand l'Etat aura trouvé un moyen de faire de l'euthanasie un vrai business, il sera légalisé. A ce moment-là, on pourra en définir les dérives. Les médecins oublieront le serment d'Hippocrate...
On accorde de moins en moins de crédit à l'humain pour favoriser le profit. Si un jour une grande puissance économique (les USA, par exemple) trouvait une substance "miracle" pour euthanasier "dignement", des pays comme la France suivraient rien que pour faire fonctionner l'industrie pharmaceutique.
J'ai bien peur, hélas, que si un jour l'euthanasie est légalisée, ce ne sera pas en faveur du patient.
Un malade est un client comme un autre...



~maximilixtine~ le 10-02-2009 à 15:03
 

Bon, l'italienne dont il était question il y a quelques messages est morte, après 17 ans dans le coma.
Ils ont reçu l'autorisation de ne plus la nourrir.

Je comprends que l'on défende le droit à mourir.
Mais en quoi une fille dans le coma possède le choix ?



~Tao_master~ le 10-02-2009 à 17:25
 

Oui, j'ai vu pour l'Italienne de 17 ans, mais Tao Master, quelle est vraiment ta question ?? En quoi une fille dans le coma possède le choix... Mais quel choix ? Celui de vivre (si on peut dire) ou celui de mourir (on peut considérer qu'elle est comme morte) ? Cela va dans les deux sens je pense... Elle doit être mieux là où elle se trouve maintenant, et sa famille aussi doit être soulagée (je pense)... Qu'en dis-tu ?



~LESTAT~ le 11-02-2009 à 12:19
 

Non elle n'est pas comme morte, elle est vivante, elle ressent les choses, et si par miracle elle se réveille, elle se souviendra de ce qu'elle a vécu dans le coma.

Si on la laisse mourir on lui retire sa chance au miracle.

Puis, peut-être que si elle pouvait s'exprimer, elle voudrait simplement rester dans le coma. La tuer, c'est lui imposer nos idées concernant l'euthanasie et la vie.

Tu me diras que la laisser vivante, c'est aussi lui imposer nos idées. Mais dans une situation, nous retardons uniquement la seconde, dans l'autre on ne lui laisse pas la possibilité d'exploiter la première.

C'est le choix entre la fatalité et l'espoir.



~Tao_master~ le 11-02-2009 à 12:43
 

Ok, elle ressent des choses, mais c'est ça vivre ? Faire ses selles dans son lit, uriner grâce à une sonde, être nourrie par une sonde ?? Je suis désolée mais ce n'est pas vivre, c'est souffrir sans pouvoir l'exprimer (et 17 ans dans le coma tu as des séquelles). Te souviens-tu du cas Humbert ? Ce jeune qui avec son pouce (s'il le bouge 3 fois, ça correspond à la lettre C etc.) a écrit une lettre au président (Chirac) pour qu'on le tue... (euthanasier). Et qui s'est vu refuser ça, tu imagines sa souffrance ? Où veux-tu qu'il trouve son espoir... il n'y a que la fatalité...



~LESTAT~ le 11-02-2009 à 12:59
 
1, 2  Suivant